En pays Wayana
Voici un article commencé il y a déjà bien longtemps, la suite de nos vacances avec Adèle et Thomas.
Un mois après leur départ nous avons accueilli d'autre vacanciers et dans les périodes intermédiaires le temps coule, s'emballe, ralentit de nouveau un peu, ce qui me permet de poster cet article. J'en profite pour vous raconter un peu ma vie hors vacances avant les images de la plus grande aventure de tous les temps, notre voyage en amont d'Antecum.
Il y a eu une exposition "Art sonore en Guyane " initiée par la DAC, à laquelle j'ai participé avec "Désir" dans une scénographie adaptée au Fort Diamant, dans une petite salle voûtée où la résonance déformait les sons de façon somme toute intéressante, transformant un univers de neige et de glace en fond sous marin dans une atmosphère d'étuve...
Un public nombreux et de qualité que j'ai pu rencontré pendant les deux jours d'exposition.
Cela m'a aussi permis de lancer mon prochain projet : "Suite guyanaise"...qui fera l'objet d'un autre article.
De quoi me remonter le moral après les déboires de l'installation..
.En effet après que l'on m'ait demandé ma fiche technique j'étais en droit de penser que le matériel et l'aide requis seraient au rendez vous mais "nous sommes en Guyane." Il n'y avait donc rien, ni panneaux, ni éclairage, ni technicien, ni gardiennage (raison pour laquelle l'exposition ne pouvait durer que deux jours)...
Heureusement que Hubert a pu m'aider. Un travail de nuit après le travail de jour. Il a fallu fabriquer et peindre des panneaux, trouver un éclairage, et ensuite seulement on a pu installer. Trois jours de boulot...Y a un innocent qui m'a demandé si c'était bien payé...
Je suis prévenue, "plus jamais çà" et je ne peux qu'approuver quitte à ne plus exposer en Guyane...En tous les cas il va falloir penser léger, rapide voir éphémère et éclairage à la bougie, solution qu'avaient adopté d'autres exposants plus avertis que moi.
J'avais commencé à travailler sur un projet avec un sculpteur amérindien, en réponse à un appel à candidature. Il a laissé tomber car il trouvait que ce n'était pas rentable ! J' ai contacté quelqu'un d' autre, mais entre temps il a trouvé du travail....J'ai présenté un projet seule en prévoyant d'embaucher un assistant pour le gros oeuvre. La personne qui s'occupe des Arts Pastiques a la DAC m'a assuré que "cela tenait la route" ...On verra...
La DAC m'a proposé une résidence croisée avec Linia Opoya, la potière, à Taluen dans l'idée de créer une oeuvre commune pour une exposition, "Entre deux mondes" qui se montait au CARMA à Mana.
Finalement ni le CARMA ni la DAC ne financent la résidence. On me propose d'intervenir dans l'école primaire de Taluen mais le projet de résidence et la participation au projet d'exposition "Entre deux mondes" est enterré. J'ai dons décidé de ne pas intervenir à l'école dans ces conditions.
Personnellement j'aurai pu envisager de travailler sur une collaboration avec Linia sans financement autre pour moi, une fois sur place, mais je refuse absolument de la faire travailler pour rien.
Elle a ses abatis à cultiver, son manioc à traiter, deux jeunes enfants dont il faut s'occuper et ses poteries à faire. Dans ces conditions, sans dédommagement, comment lui demander de produire des pièces expérimentales avec une céramiste blanche ?
Je pense qu'elle aura quand même ses heures d'intervention à l'école et pour elle cette transmission de son savoir est importante, j'espère qu'elle pourra avoir mes heures en plus !
J'essaie de monter un plan de financement sur fonds européens pour que les potières de Taluen et celles de Mana puissent, comme il était prévu dans le projet initial, faire un échange croisé pour que les unes puissent découvrir le travail et le savoir des autres et vice versa. J'ai du mal à admettre qu'on leur ai dit que cet échange aurait lieu et que finalement rien ne se passe. Mon côté preux chevalier, on ne se refait pas...
Un projet d'installation éphémère le long d'une route forestière en Martinique a été accepté. Cela s'appellera "Libre comme l'eau, jouer à l'eau" ; je vous raconterai une autre fois...
D'autres choses encore, mais je n'ai plus vraiment le temps de continuer...
Moi qui pensais faire un arrêt sur image et prendre du recul ici, c'est raté j'ai foncé droit devant dès l'arrivée.
Ce qui est particulier c'est que l'on vous propose plein de choses. Cela semble vraiment dynamique. Finalement les projets se transforment, se diluent et disparaissent.
D'après des recoupements avec différents retours de personnes installées ici depuis longtemps : "c'est la Guyane"
Parfois un projet vieux de 5 ou 10 ans réapparaît brièvement, se noient à nouveaux dans les sables. Parfois quelque chose finit par aboutir bien plus tard... Je connais plusieurs exemples comme la Route de l'Art inaugurée le weekend dernier,le projet initial date de 2008 ou la réfection des maisons Aluku à Papaïchton, premier projet abandonné en 2004, le dernier en date a finalement démarré le semaine dernière...
Les raisons ? En dehors de la fatigue endémique de tous (effet de la chaleur ?), les changements fréquents de personnel, soit que les responsables rentrent en métropole soit que le jeu des élections les fassent changer y sont pour beaucoup. Et bien sûr, un projet lancé, même par le responsable de la DAC pour les arts plastiques, n'est pas un projet financé...
Ceux qui aime vivre ici parle de la douceur de vivre en Guyane, il convient de se mettre rapidement à goûter la sieste de midi à 16 h, les déambulations lentes et les soirées tranquilles car tout s'arrête à 18 h, 19 h 30 au plus tard.
En fait je suis plutôt pour mais je manque d'entrainement !
En habitués de ce blog, vous reconnaissez le petit coucou d'air Guyane ...Pour Adèle et Thomas c'est une première...
Voyager, ici plus qu'ailleurs, c'est attendre...
Devant chez le chinois, au Surinam, en face de Maripasoula...Attendre que l'essence soit livrée et que tout le monde ait fait ses courses, bavardé et bu...quelques bières... Notre piroguier n'en est visiblement pas à sa première....
Quelque part sur le fleuve...Attendre que Tasikale revienne avec sa mère et d'autres passagers qu'il est allé chercher dans un village invisible depuis l'eau
Taluen...Attendre que Tassikale récupére son hamac...ça laisse le temps de faire le tour du village...
Ici on nous attend car nous arrivons tard à Ipokan Ëutë, chez Aîkumale et sa famille. Encore merci à eux pour leur chaleureux accueil.
On partage comme prévu, des denrées que nous avons apportées et les produits de la chasse et de la pèche que nos amis nous proposent. Thomas... aux fourneaux...
Adèle et Thomas s'installent dans un carbet fermé, nous avons préféré le grand carbet commun ouvert pour avoir de l'air. Ce soir là un gros orage s'abat sur le village. La pluie torrentielle sur la tôle fait le bruit d'un vieux train lancé à vive allure...C'est inhabituel en cette saison. Peut être les ancêtres étaient-ils fâchés ...
Attendre que Tasikale organise la suite de notre voyage...Les serviettes sèchent, Aïku part travailler et revient, nous sommes toujours là, le repas mijote..".A cette heure vous allez rester déjeuner ?"
On déplace nos bagages de la pirogue à coque alu vers celle qu'Aïku nous prête car l'autre est trop large pour passer les sauts. On attend encore un des équipiers.
Au dessus d'Antecum Pata, sur la rivière Malani ou Marouini, il faut franchir des sauts.
On a lu souvent que fréquemment, il faut descendre de pirogue et passer les sauts à pied parfois même en portant les bagages.
Mais si pour les amérindiens c'est une évidence, pour nous, débarqués en plein courant, on a vraiment du mal à résister et à avancer...Quant à eux, ils sont quand même quatre pour tracter la pirogue à travers les rapides.
On descend dans l'eau avec nos tongs, impossible d'avancer. On s'en débarrasse tant bien que mal et on continue pieds nus comme eux. Les pierres sont pointues et les algues glissantes et griffues... Nos amis "blancs" de Cayenne nous ont dit par la suite que, contrairement à ce que conseillent les amérindiens, il fallait soit mettre des sandales pour aller dans l'eau soit des chaussures de marche...
Quelques moments de vrai trouille comme quand Thomas est tombé dans l'eau et que je l'ai vu accroché à un rocher avec la pirogue qui se rabattait sur lui, suivie d'une autre quand, dans le mouvement, la corde qui retenait la pirogue m'a fauchée, ou encore,un peu plus tard, quand Hubert, gêné par son bras, n'arrivait pas à reprendre pied après le passage d'une sorte de tourbillon...
-"Il y a trop de courant ..."
-"Mais marche là où il n'y en a pas..." répondent les piroguiers...
Parfois il suffit de se déplacer un peu et on trouve un endroit plus calme mais c'est loin d'être évident.
Cela ne se voit pas vraiment sur les photos mais c'était vraiment rude !
Au retour ça allait mieux, ils nous ont un peu plus chouchouté, peut être parce que j'avais protesté le soir et aussi peut être parce que descendre est un peu moins difficile que monter. Nous avions aussi de meilleurs points de vue ou une meilleure façon d' analyser le paysage.
Le métier qui rentre...
"Ce sera plus facile la prochaine fois, on s'équipera" disent les filles, "plus jamais ça" disent les garçons...
Trois sauts à passer, on monte dans la pirogue, on redescend un peu plus loin...quelques gouttes d'eau sur l'objectif...
Prêts pour la nuit, repas de poisson fraîchement pêché et de provisions diverses venus des supermarché de Cayenne et fort apprécié de nos hôtes. A la fin il ne restera plus que des vaches qui rient (en choeur, bien sûr) et des galettes de riz à ceux qui ne mangent ni viande, ni poisson...
Le lendemain nous remontons plus haut sur la Mataroni pour une promenade en forêt. Nos guides espèrent pêcher notre repas et pourquoi pas, chasser...En fait nous arrivons en haut d'une butte d'où on entend nettement les machines d'orpaillage. Sans aucun doute ils savaient ou soupçonnaient quelque chose. Nous avons signalé cette exploitation sans le moindre doute illégale à notre retour.
Se désaltérer en forêt : couper une liane d'eau qui contient en abondance un liquide qui a tout d'une eau bien fraiche...