Une semaine à Taluen. Chapitre 4 : un weekend d'élections.
De très bon matin nous voilà partis pour relever les filets.
Tasikale nous explique que les anciens équilibres sont peut être en voie d'être mis à mal car maintenant certains amérindiens se sont mis à chasser et à pêcher pour vendre leurs prises. Il pense qu'à moyen terme ici comme ailleurs les gens vont cesser de tout produire eux-même pour eux-même et qu'il y aura de chasseurs, des pêcheurs, des agriculteurs qui travailleront à plus grande échelle et vendront leurs produits.
Tasi est très préoccupé par les enjeux écologiques et craint que ces changements ne provoquent l'extinction d'espèces et une raréfaction du gibier et du poisson.
Linia est restée à la maison. Quand nous rentrons j'essaie de savoir comment elle envisage de travailler avec moi pour son projet.
Elle me confie qu'elle avait oublié que je venais et me dit qu'elle est très occupée toute la journée et qu'elle travaillera la poterie en début d'après midi. Finalement elle n'a pas eu le temps.
Elle lave de la vaisselle, fait sa lessive...au début elle ne veut pas de notre aide. Petit à petit elle l'acceptera plus souvent et, comme nous commencerons à être familiers des lieux, nous pourrons prendre nous même des initiatives au point de nous transformer en vrai fées du logis !
Nous faisons un tour dans le village, nous faisons connaissance d'Angélique, professeur ici. Elle nous fera visiter l'école, rencontrer ses collègues, nous montrera un travail réalisé avec un artiste par les enfants sur le thème, tradition et modernité, d'immense tableaux pour le moment stockés dans un petit réduit.
Nous sommes allés nous baigner au fleuve...Le fond un peu vaseux et l'eau trop tiède et trop calme, sans parler du doute sur la propreté de l'eau, ne nous ont pas incité à y retourner et nous avons définitivement opté pour la douche de la mairie.
Après le déjeuner on nous a demandé d'enlever nos hamacs car on attend la visite de Rodolphe Alexandre -divers gauche- ancien président du conseil régional, dont l'hélicoptère est annoncé. A la grande contrariété des habitants il ne se posera qu'à Twenké et pas à Taluen.
Nous remettons nos hamacs en place.
Nous apprenons que Alain Tien Long, un autre divers gauche, ancien président du conseil général, est déjà venu par les même moyens et la conversation tourne autour des moyens financiers des candidats...Chantal Berthelot, députée PS, est venue elle, par pirogue...D'où vient l'argent pour payer les hélicoptères ?
Après cela nous attendons Aiku, le représentant de l'alliance Walwari, le parti de Christianne Taubira,.Guyane écologie, et Action et progrès citoyen groupe mené par Line Letard.
Après le déjeuner on nous demande d'enlever nos hamacs car on attend la visite de Rodolphe Alexandre-divers gauche- ancien président du conseil régional, dont l'hélicoptère est annoncé. A la grande contrariété des habitants il ne se posera qu'à Tenké et pas à Taluen.
Nous apprenons que Alain Tien Long, un autre divers gauche, ancien président du conseil général est déjè venu par les même moyens et la conversation tourne autour des moyen sfinanciers des candidats...Chantal Berthelot, députée PS, est venue elle par pirogue...
Promenade vers l'autre côté du village en attendant. Taluen est sur une sorte de pointe donc entouré par le fleuve, Au passage on croise des gens qui bavardent avec nous et invitent à aller à une fête "là bas d'où vient la musique"...Eux en revenaient, nous n'avons pas vraiment cherché à trouver l'endroit et nous nous sommes fait doucher au retour !
Aiku Alemin tarde. Le fleuve est très bas et sa progression de village en village, suivie via le téléphone portable, est lente. Il va arriver à Taluen à la nuit tombée et il n'y aura pas beaucoup de monde, Toute une partie du village est à la fête, les autres sont chez eux.
Généralement à la tombée de la nuit il n'y a plus personne dehors ,mais la vie reprend dès le chant du coq avant même le jour. Et l'on voit au petit matin les gens remonter du fleuve avec leur serviette de toilette en guise de pagne.
La réunion a lieu chez Linia et Tasikale car Aiku est un très bon ami de Tasikale et un écologiste convaincu particulièrement inquiet des effets du mercure et aussi du sort des jeunes -il y a un taux important de suicide chez les jeunes.
Il parle d'un projet qui parait très intéressant de centre à Cayenne tenu par des amérindiens pour servir de relais, de point ressource pour les lycéens et de centre d'hebergement possible pour les parents ou d'autres personnes qui auraient à faire en ville.
Aiku est quelqu'un de cultivé. Il est allé à l'école juqu'en troisième et est actuellement aide soignant au centre de soin d'Antecum Pata. Il fait partie de ces quelques wayanas qui ont réussi à étudier puis à vivre et travailler au pays avec un salaire décent.
Nous avons rendu visite à Aiku chez lui quelque jour plus tard. Il a crée un nouveau village qui compte quatre familles à peu de distance d'Antecum Pata où il travaille. ll n'a pas d'eau potable mais il la ramène par bidons d'Antecum Pata.
On sent les règles d'hygiène très présentes chez lui, par exemple on se lave les mains avant de manger : il y a une petite cuvette avec du savon toute prète à cet usage.
Lui et sa femme essaient aussi de faire un potager, ce qui n'est pas du tout dans les habitudes ici, pour avoir des concombres, des tomates, des poivrons... Ce n'est pas encore très au point car les animaux- poules, chiens- sont en liberté et les enclos autour des plantations ne leur résistent pas toujours....Ils ont essayé d'élever des canards mais ils leur ont rendu leur liberté et on peut les voir aux alentours quand on descend le fleuve.
Les poules et les chiens sont apparus les wayanas à l'époque de leur sédentarisaton le long des fleuves.
Les vrais poules indiennes sont blanches et ne se mangeaient pas. Elles n'étaient élevées que pour leurs plumes. Aujourd'hui les wayanas mangent volontiers du poulet.
Quand aux chiens, ils vont par deux, et traditionnellement, les femmes qui partent seules les emmènent à l'abatis car ils dissuadent le jaguar de s'approcher.
Linia et la femme de Aiku s'affairent à la cuisine le dimanche matin. Hubert commence à brouiller les rôles traditionnels en se mettant à la cuisine ! Les gens qui vont venir voter pourront acheter une portion de repas. D'autres candidats ont aussi leur cantine dans le village. Dans une autre casserole mijote le repas des amis et de la famille.
Pendant ces journées je suis restée avec les femmes et Hubert avec les hommes, Non qu'une petite incursion dans l'autre clan ne fut pas possible, mais les espaces étaient très nettement séparés.
ll est frappant de voir à quel point les gens, hommes et femmes, prennent ces élections au sérieux. C'est émouvant. Le taux de participation des villages du Haut Maroni est très important. Tous le monde vote à Taluen si bien que le dimanche nous avons vu des pirogues nombreuses arriver de Antecum Pata, Pidima, Cayodé et d'autre villages plus petits.
En même temps les gens sont très perplexes hésitent jusqu'au dernier moment ...
Ce qui leur pose problème c'est que dans les listes il n'y a pas de représentants des amérindiens, personne pour les défendre ...Ils en sont donc réduit à essayer de deviner la capacité des candidats à prendre leurs réels besoins en compte.
Par bonheur ici pas de Front national !!!
C'est aussi l'occasion de retrouver les gens de sa famille où les amis qui vivent dans d'autres villages. Pour nous c'est la possibilité de rencontrer de nombreuses personnes passionnantes et souvent passionnées.
Pour l'occasion, Linia a refait du cachiri. Dés que vous arrivez quelque part on vous en offre et il peut être difficile de refuser. On pardonne aux femmes blanches quand elles ne font que tremper les lèvres...Cette boisson à base de manioc fermente au fil des jours. Les gens le boive en très grande quantité d'un coup, pour moi c'est beaucoup trop. quand il est du jour je l'aime bien. Il y en a plusieurs sortes selon le type de manioc utilisé. Par contre quand il commence à être fermenté je n'apprécie pas du tout !
Le dimanche on nous demande à nouveau de décrocher nos hamacs car le tukusipan sert de lieu de rassemblement, on attend le dépouillement...
Cette fois Tasi et Linia nous proposent de rester là pour le reste du séjour, sans doute les candidats du deuxième tour reviendront-ils et il faudrait encore tout enlever....
Notre nouvelle installation sous le petit abri derrière chez Linia, près du groupe électrogène et du tas de bois.
Finallement nous avons vu arriver Rodolphe Alexandre le vendredi, veille de notre depart, avec son hélicoptère.
Comme personne n'accourt il vient vers Linia,Tasi et moi avec Hubert qui était sur le terrain de foot quand il a atterri. Il nous parle comme à des demeurés brandissant son portable et clamant:
- "Il faut voter pour moi, le portable c'est moi"
(Il y a depuis peu un relai digicel-france au village, avant les gens avaient digicel-surinam et c'était très cher pour communiquer avec la Guyane française. L'ennui c'est que cela ne fonctionne pas malgré l'intervention récente des techniciens de chez digicel...)
Linia lui demande si il fera le collège... C'ètait une promesse de Alain Tien Long qui est l'autre candidat qui reste en lisse...
-"Mais oui, mais oui, le collège"
Puis il parle à Hubert : -" ce pays est riche, il faut exploiter l'or, il faut exploiter la forêt..."
Pas question d'entamer un dialogue, il se hate vers le tukusipan en disant à Linia ;
."Va les chercher, il y a du pain..."
Il est certain que cela coûte cher une minute d'hélicoptère, il faut faire vite !
Les villageois sont donc tous venus chercher leur baguette, Linia aussi. Avec Tasi qui fait la gueule on reste là. Sa candidate, Line Lietard a été battue et tout comme Aiku avec qui il discute au téléphone il attend de savoir pour qui elle va se prendre parti :
-"De toute façon, les deux c'est pareil, pas même un amérindien dans leur liste..."