Une semaine à Taluen. Chapitre 6 : le lundi matin à l'abatis

Après le petit déjeuner, café, gâteaux pour nous en même temps que Maru qui boit du chocolat en poudre dans du lait en poudre avec quelques biscuits. Linia et Tasi mangent du riz ou du couac avec du poisson ou du poulet, souvent un peu plus tard dans la matinée.

Quand les filles s'arrêtent Hubert prend le relai

Cet abatis est situé juste au dessus du village, vraiment pas très loin.

Les abatis comme les maisons appartiennent aux femmes. En principe le mari quitte sa famille pour habiter chez sa femme, si sa femme vient d'un autre village c'est lui qui change de village.

Ce village, Taluen, que l'on trouve aussi écrit Taluwen a été fondé par le grand père de Linia Opoya et s'appelait Opoya. Il a changé de nom quand l'oncle de Linia ,Taluwen, a pris la place de chef du village. On trouve parfois l’appellation Taluwen/Opoya pour désigner ce même village.

C'est du fait de son appartenance à cette lignée que Linia a des droits sur ces terrains dont elle a préparé une partie cette année. Sa mère Malilu a des terrains tout près.

À l'abatis

Le brûlis a été fait il y a quelques jours, il faut nettoyer pour pouvoir planter. On ne désouche pas. On débarrassent le terrain. Certains gros troncs pouvant rester en place. Tasikale est à la tronçonneuse, Hubert travaille à la machette. Il a commencé par prendre quelques photos. Après, absorbés par le travail et avec nos mains pleines de noir de fumée, nous n'avons plus pris beaucoup de photos.

Le plus dur c'est la chaleur, le soleil de plomb...Le moindre nuage est une bénédiction. 

De temps en temps une pause, on boit un peu on s'assied à l'ombre.

Hubert a gagné l'estime de nos hôtes :

-"il travaille bien ton mari..".me dit Linia.

Je m'empresse de lui raconter tout ce qu'il  faisait dans la maison et dans le jardin chez nous et je lui explique qu'ici, avec notre petit apartement sans jardin, nous pouvons aller où bon nous semble quand il ne travaille pas.

Une pause. Pendant les pauses, ou tout en travaillant, nous nous racontons nos vie, nos enfances, nos familles, nos enfants, nos deuils...Le petit cimetière de Linia, trois tombes où reposent des personnes qui lui furent chères, est juste à côté de l'abatis. On parle de tout de ce qui pousse en Alsace et dans le midi, de ce qui pousse ici et de ce qui pourrait peut-être y pousser, de nos maisons et de nos modes de vie, de contraception, de tout à l'égout, de religion...

Nous partons un peu plus loin chercher de grandes feuilles de palmier. Linia a apporté un fagot de tiges de manioc. 

Le manioc se repique. Avant le repiquage Linia couvre le fagot de feuilles de palmes. A l'abri de ce toit les tiges vont commencer à pousser et à faire des racines. Ensuite Linia les repiquera.

Elle m'explique qu'il y a d'autres méthodes, comme de repiquer directement les tiges mais elle pense que le résultat est meilleurs avec sa méthode.

Tiges de manioc à l'abri sous les palmes

Linia a aussi apporté trois pousses de bananier qu'elle plante.

 La première année, pendant la saison sèche, on allume une parcelle. 

Une fois qu'on l'a débalayée on y plante le manioc.

 Il y plusieurs sortes de manioc différentes et pour certains Linia ne les plante pas dans le même abati car elle en a plusieurs.

On met aussi quelques autres plantes comme le cotonnier, l'ananas, le bananier. 

Les manguiers sont plutôt placés près des maisons quìls ombragent, de même que les citroniers, et les cerises pays (acérolas).

Pendant environ deux ans, parfois trois, on vient récolter. On ne nettoie pas on laisse doucement la forêt reprendre ses droits

Chaque année on nettoie une nouvelle parcelle.

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Jeunes pousses de manioc plantées un peu plus tôt dans la saison dans un abatis voisin de celui de Linia

Les branchages déblayés sont allumés.

Nous rentrons au village pour être là quand Maru rentre de l'école qui commence à 7h30 et finit á 13h30. Il n'y a pas classe l'après midi.

En redescendant, nous longeons un grand espace défriché. Ici doit être édifié une église évangéliste. Linia est franchement hostile à ce projet. Autant elle admet le catholicisme sans prosélytisme d'Aiku, autant elle déteste ces gens qui sont venus lui dire que si elle ne se convertissait pas elle allait bruler en enfer. Pourquoi cette église se construit-elle là ? Je crois comprendre que d'autre villageois sensibles à leurs paroles le leur ont permis...

Je me demande si tout cela est bien légal....

Linia a beau affirmer haut et fort qu'elle n' y croit pas, ces paroles l'inquiètent et mon indignation rejoint la sienne.

Elle voudrait que je lui explique la différences entre les catholiques et ces protestants d'un genre particulier...conversation qui nous ramène aux guerres de religions...J'explique de mon mieux ce que je sais.... Elle est vraiment très intéressée et pose plein de questions.