Une semaine à Taluen. Chapitre 7 : Linia Opoya, potière à Taluen

Publié le par Anne-Marie Schoen

Linia dans son atelier.

Linia dans son atelier.

Lundi en fin d'après midi, après l'abatis puis le déjeuner, et un petit temps de repos, Linia m'invite à la suivre dans l'atelier.

Linia est potière. Je suis venue à Taluen* pour l'aider à  fabriquer un petit document présentant ses pièces. Une sorte de catalogue de ses formes.

Elle a prévu d'aller au marché de Noël à Maripassoula samedi et elle n'a pas de pièces en stock.  Juste quelques pots pas encore cuits. 

La production se fait en plus de tout le travail à l'abatis et à la maison et ce n'est pas rien ! 

Elle répond à des commandes de particuliers, d'associations comme GADEPAM ou parfois de magasins comme Corrossol. Elle produit aussi pour certains marchés artisanaux où elle se rend. 

-"Je n'ai jamais de stock, et quand je garde une pièce pour moi il y a toujours quelqu'un qui la veut ! " 

Comme nous toutes, potières et autres céramistes, il n'y a chez elle que des pièces qui ont un défaut !

Pour moi c'est ennuyeux car je ne peux pas prendre en photos de pièces finies. Je vais donc suivre Linia au fil de ses journées. Pour donner une vue d'ensemble du travail de la terre je regroupe dans cet article tout ce que j'ai pu recueillir sur le sujet pendant mon séjour. La cuisson et les autres activités journalières, pêche, abatis, préparation du manioc, du cachiri, de la casave, feront l'objet d'autres articles.

Je donne des définitions tirés du dictionnaire wayana/français  qui éclairent ce que Linia a pu me dire. Elle a vérifié l'orthographe des termes de métier que j'utilise. Il y a pas mal de mots que je n'ai pas trouvés dans le dictionnaire.

*Taluen qu'on trouve aussi écrit Taluwen et Taluhwen.

Une pièce finie : "tuma enï", diamètre environ 30 cm.

Une pièce finie : "tuma enï", diamètre environ 30 cm.

"Tuma enï" est une marmite qui a parfois un couvercle. 

TUMA n. 1. jus toxique du manioc. Il est utilisé dans la cuisson. 2. sauce au jus toxique de manioc : Tuma tahalaphe Il n’y a plus de sauce ; Wëlïham tumapëk lëken. Tuma enepkële mama! Les femmes font de la sauce. Amène la sauce de piment, maman (chant) ; Tuma he wai mama Je veux de la sauce, maman (chant). Cf. -nma.

TUMA ENÏ n. casserole.

La marmite tuma enï est donc d'abord le récipient qui sert à faire cuire le jus de manioc pour qu'il perde sa toxicité et qu'il devienne consommable.

-"il y a des formes traditionnelles et des formes que j'invente, dit Linia, c'est moi qui ai inventé de mettre des anses ou des oreilles à la marmite, j'ai remarqué que c'était plus pratique pour la prendre."

Chez les wayanas* la poterie est reservée aux femmes. Ceci reste fortement ancré. Je demande à Linia ce qu'elle dirait si l'un de ces fils voulait devenir potier. Elle rit :

-"Je leur dis : si vous ne travaillez pas bien au collège vous allez devoir faire de la poterie comme moi !"

La potière cherche elle même sa terre en forêt. Ensuite elle laisse sècher les morceaux au soleil puis la terre est réduite en poudre et tamisée. 

Malilu, la mère de Linia, qui est aussi une jeune soeur de Taluhwen le fondateur du village, est arrivée le dimanche à Taluen pour voter. Avec Linia, elles se sont concertées pour que je vois toutes les étapes du travail.

Ainsi irons nous chercher de la terre en forêt le lendemain, mardi soir, au terme d'une longue journée à l'abatis de Malilu.

Le lieu où Linia cherche sa terre est en amont et inaccessible en ce moment à cause de la sècheresse. Nous irons donc en aval, là où Malilu cherche sa terre, en face de l'endroit où elle vit. Malilu a sa maison à Taluen mais vit sur la rive Surinamaise chez son mari Noye, à une bonne heure de pirogue. Linia ne connait pas le nom de l'endroit :

-"On dit campu...mais ce n'est pas le nom**."

C'est aussi, de l'autre côté du fleuve, que Malilu et son mari vont chercher l'eau potable à une source.

*Les wayanas : je mets le pluriel à la française, j'ai vu dans d'autre écrits les pluriels wayanas sans s. Je ne sais pas si il y a une règle.

**Les wayanas nomment peu. Ils disent mon oncle, le frère de ma grand-mère...Et je m'embrouille parfois. Si on demande le nom on n'obtient pas toujours une réponse. De plus les gens ont des noms d'état civil et d'autres noms qui peuvent aussi changer au fil de la vie. Malu le jeune fils de Linia et Tasikale s'appelle Donovan.

-"C'est son vrai nom" insiste Tasikale, "Malu est un surnom". 

Chercher la terre, l'argile, "ëliwë". La poterie se dit "ëlipo".
Chercher la terre, l'argile, "ëliwë". La poterie se dit "ëlipo".
Chercher la terre, l'argile, "ëliwë". La poterie se dit "ëlipo".
Chercher la terre, l'argile, "ëliwë". La poterie se dit "ëlipo".

Chercher la terre, l'argile, "ëliwë". La poterie se dit "ëlipo".

ËLIPO n. poterie : Ëlipo tïkaphe wëlïhamoja Les femmes fabriquent de la poterie.

ËLIWË, ËLINË n. argile (pour la poterie) ; marmite en argile pour la cuisson: Ëlipo ëliwëke tïkaphe On fabrique de la poterie avec de l’argile ; Tuma enï ëliwë C’est une marmite en terre cuite ; Tëliwënke man /3RÉFL.argile.POS ALIÉN.INSTR/ Elle a sa propre argile

Nous sommes passés par dessus une petite élévation nous redescendons dans ce qui ressemble à un lit de cours d'eau à sec. La forêt est dejà sombre. Nous somme tout près du fleuve, on entend les pirogues passer. 

Linia creuse, nous nous tenons tous en retrait autour d'elle.
Linia creuse, nous nous tenons tous en retrait autour d'elle.

Linia creuse, nous nous tenons tous en retrait autour d'elle.

Malilu dirige les opérations et indique où creuser. Linia creuse, porte la terre à son nez et la trie en fonction de son odeur. Elle me fait sentir. Je ne sais pas si je saurai reconnaitre seule...

La terre est très sèche et difficile à extraire.
La terre est très sèche et difficile à extraire.

La terre est très sèche et difficile à extraire.

 On sort un peu de terre qu'on emballe dans le petit  "katouri"* de Malilu et dans mon sac à dos. Nous devons en avoir 25 à 30 kg.

On sort un peu de terre qu'on emballe dans le petit "katouri"* de Malilu et dans mon sac à dos. Nous devons en avoir 25 à 30 kg.

*Katouri : je n'ai pas trouvé le terme dans le dictionnaire Wayana/français en ligne.

-Il désigne les sac à dos utilisés par les amérindiens. Certains sont en vannerie, fabriqués pour durer, et d'autres, tressés en palmes, sont provisoires et servent pour transporter par exemple les tiges de  manioc à repiquer auxquelles ils conservent fraicheur et humidité. Leur utilisation, ainsi que celle de certaines lianes pour ficeler les denrées transportées, est réputée les conserver en bon état.  

Alors comme dit Linia : 

-"c'est peut être vrai..."

Dans le film de Marie Fleury on voit Linia fabriquer un katouri en palme pour transporter l'argile et dans un sac de riz en plastique Tasikale transporte un autre chargement de terre. Ainsi les anciens matériaux, dont les wayanas sont soucieux de conserver la connaissance et la pratique, se combinent-ils avec les plus contemporains.

Au moment du film, la saison était plus favorable et l'argile est humide.

On voit aussi Tasikale creuser pour extraire l'argile.

Revoir ce film tourné en 2005 est émouvant après avoir vécu une semaine chez Linia et Tasikale.

-Le katouri est aussi un chapeau tressé d'origine amérindienne adopté par les esclaves des plantations.

Tasikale donne le signal du départ.

Tasikale donne le signal du départ.

Pendant que Linia creuse, Malilu semble chercher un meilleur endroit. Les paroles échangées le sont en wayana, par moment j'ai l'impression que Malilu prononce des paroles incantatoires...Elle part vers la droite, puis vers la gauche avec son mari, et elle nous appelle. Je comprends qu'il y a là de l'argile moins sèche et meilleure.  Mais nous n'en prenons pas : 

-"Non non , dit Tasikale, c'était juste pour que tu vois, j'espère que tu as pris toutes les photos, on s'en va..."

Hubert a fait ce qu'il a pu, c'est lui qui était le photographe de jour. 

J'ai demandé à Linia par la suite, ce que disait Malilu, je ne voulais pas troubler ce moment dont j'avais lu et dont on m'avait dit qu'il était soumis à des rituels.

-"Mais non, me dit Linia, il n'y avait ni gestes ni paroles particulières ... "

Mon imagination stimulée par la pénombre et le silence de la forêt a travaillé à moins qu'elle n'ai pas eu envie d'expliquer. 

Souvent Linia m'a dit : "Je te dirai plus tard, tu verras plus tard" et aussi "je te l'ai déjà dit"...un peu agacée...

Alors je lui dit :

-"Je suis comme Malu, il faut me répéter au moins trois les choses pour que je les retienne !"

Elle sourit mais j'évite de trop poser de questions.

Il y a des informations qui m'ont échappées car je ne pouvais pas lui demander d' expliquer tout le temps ni de répéter tout ce qu'elle m'avait dit par exemple à l'abatis sur la fondation du village et son enfance où je ne pouvais pas noter puisque nous travaillions. Je lui ai demandé si elle pouvait me raconter encore et pour que j'enregistre...

-"Peut-être, mais pas maintenant ..." Finallement le moment n'est pas arrivé.

Linia quand elle raconte dit toujours :

-"C'est ce que je crois , c'est ce que l'on m'a dit..".insistant sur le fait qu'elle n'est pas sûre que ce qu'elle dit soit la vérité. Il en va de même de ce que je rapporte ici.

Malilu porte son petit katouri.
Malilu porte son petit katouri.

Malilu porte son petit katouri.

Nous repartons en pirogue.

Nous repartons en pirogue.

Le vendredi, dernier jour avant notre départ, Linia s'est levée très tôt pour préparer la casave car elle a prévu ensuite de cuire ses pièces et elle a invité Malilu pour que je vois différentes étapes du travail et d'autres formes de pots.

Elle a aussi prévu de m'emmener voir sa tante qui est aussi potière mais installée dans un petit village un peu en amont côté Surinam mais nous finirons bien trop tard.

Préparation de la terre : vendredi, Malilu commence à écraser la terre qui a séché au soleil depuis mardi. Le pilon qu'elle utilise a été récupéré près d'un chantier d'orpaillage.
Préparation de la terre : vendredi, Malilu commence à écraser la terre qui a séché au soleil depuis mardi. Le pilon qu'elle utilise a été récupéré près d'un chantier d'orpaillage.
Préparation de la terre : vendredi, Malilu commence à écraser la terre qui a séché au soleil depuis mardi. Le pilon qu'elle utilise a été récupéré près d'un chantier d'orpaillage.

Préparation de la terre : vendredi, Malilu commence à écraser la terre qui a séché au soleil depuis mardi. Le pilon qu'elle utilise a été récupéré près d'un chantier d'orpaillage.

Son mari prend le relais tandis que Malilu tamise l'argile .
Son mari prend le relais tandis que Malilu tamise l'argile .
Son mari prend le relais tandis que Malilu tamise l'argile .

Son mari prend le relais tandis que Malilu tamise l'argile .

Malilu mouille l'argile et en fait des boules. La terre n'est pas malaxée comme nous avons l'habitude de faire, elle est simplement fermement compactée entre les mains.
Malilu mouille l'argile et en fait des boules. La terre n'est pas malaxée comme nous avons l'habitude de faire, elle est simplement fermement compactée entre les mains.
Malilu mouille l'argile et en fait des boules. La terre n'est pas malaxée comme nous avons l'habitude de faire, elle est simplement fermement compactée entre les mains.
Malilu mouille l'argile et en fait des boules. La terre n'est pas malaxée comme nous avons l'habitude de faire, elle est simplement fermement compactée entre les mains.
Malilu mouille l'argile et en fait des boules. La terre n'est pas malaxée comme nous avons l'habitude de faire, elle est simplement fermement compactée entre les mains.

Malilu mouille l'argile et en fait des boules. La terre n'est pas malaxée comme nous avons l'habitude de faire, elle est simplement fermement compactée entre les mains.

Revenons à lundi après midi dans l'atelier de Linia.

 "Kalimata" sur l'étagère prêt pour la cuisson.

"Kalimata" sur l'étagère prêt pour la cuisson.

D'abord, Linia monte un "kalimata"

KALIMATA n. urne funéraire : Kuni kalimata eitoponpëpëk wipanakma he wai Je veux écouter l’histoire de l’urne de ma grandmère [qui était enterrée sous le tukusipan). •La pratique de l’incinération tombe en désuétude. Autrefois les cendres étaient inhumées sous le tukusipan.

Ce récipient est destiné à recevoir de l'eau me dit Linia. Elle en fait de toutes tailles jusqu'à environ 40 cm de diamètre.

La forme "kalimata" perdure avec un nouvel usage, semble-t-il.

Linia prépare ses boules.

Linia prépare ses boules.

Cette pièce posée au bout du plan de travail de Linia est un pot d'origine Kali'na que Tasikale a trouvé en défrichant un abatis.

Cette pièce posée au bout du plan de travail de Linia est un pot d'origine Kali'na que Tasikale a trouvé en défrichant un abatis.

Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.
Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.
Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.
Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.
Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.
Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.
Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.

Linia monte le corps du pot avec de gros colombins roulés sur la table puis aplatis.

Les pièces sont montées sur un morceau de plastique pour tourner facilement et ne pas coller sur la table. Linia démarre sur un fond plat. La pièce monte vite, assez épaisse au départ elle s'affinera un peu sous la poussée de l'intérieur qui précise la forme.

Lilia prépare de plus petits colombins pour le col, qui aura donc tout de suite la bonne épaisseur et n'aura pas besoin d'être affiné, juste lissé.

Lilia prépare de plus petits colombins pour le col, qui aura donc tout de suite la bonne épaisseur et n'aura pas besoin d'être affiné, juste lissé.

Travail du col
Travail du col
Travail du col

Travail du col

"Tumeli", récipient destiné à boire le cachiri*. Chez les wayanas, le cachiri se sert dans des récipients d'un demi litre à un litre.
"Tumeli", récipient destiné à boire le cachiri*. Chez les wayanas, le cachiri se sert dans des récipients d'un demi litre à un litre.

"Tumeli", récipient destiné à boire le cachiri*. Chez les wayanas, le cachiri se sert dans des récipients d'un demi litre à un litre.

Le tumeli est ovale et présente deux échancrures arrondies. On porte une des échancrures à la bouche et l'autre s'adapte à la courbe du front. Malilu fait aussi des coupes à cachiri en forme de canot "kanawa"

*KASILI n. boisson fermentée faite à base de manioc amer, cachiri : Kasili ipokenma Le cachiri est [vraiment] bon ; Ikuptënma, awokï, enatupïn : kasili, hakula… Il y avait beaucoup de cachiri rouge, du cachiri blanc à n’en plus finir (kaptëlo) ; Tïpulu he wai, kasili he wai Je veux être piqué, je veux du cachiri (kalawu).

 

À l'ombre du manguier Linia me montre comment elle taille ses estèques, "pelo" en wayana, dans une calebasse. Elle en fait de différentes tailles pour s'adapter aux différentes courbures.

À l'ombre du manguier Linia me montre comment elle taille ses estèques, "pelo" en wayana, dans une calebasse. Elle en fait de différentes tailles pour s'adapter aux différentes courbures.

Linia me raconte :

-"Avant toutes les femmes faisaient leurs propres poteries et celles qui étaient maladroites allaient voir celles qui savaient mieux...du moins, je pense que c'était comme ça, elles allaient voir ma grand mère...."

Souvent elle précise qu'elle raconte ce qu'elle croit d'après des souvenirs incertains, les siens et ceux des paroles de sa grand mère, Alimina.

-"Elle me parlait beaucoup. mais je n'écoutais pas bien alors il y a beaucoup de choses que je ne sais pas."

Une autre femme a été très importante pour Linia. Pelipïn, la femme de son oncle Taluhwen. C'est elle qui parle avec Linia et qui raconte la légende de la poterie dans le film de Marie Fleury.

-"Elle n'était pas potière, mais elle venait toujours me voir travailler, toujours...Cétait comme ma grand-mère et elle m' apprenait beaucoup de choses."

C'est de ces deux femmes que Linia a appris la poterie.

Pourquoi pas de sa mère Malilu ? Je pense, d'après certaines remarques de Linia, que les femmes agées, celles qui en ont fini avec la maternité et qui ont accumulé déjà beaucoup de savoir, transmettaient leur savoir aux jeunes. Leurs mères étaient encore un peu des apprenties potières et avaient pas mal de contraintes puisqu'il leur était interdit de travailler la terre et de cuire quand elles étaient enceintes et quand elles avaient leurs règles.

Pour Malilu toute ces prescriptions sont encore importantes. A Cayenne lors du dernier stage qu'elles ont animé il y avait une femme enceinte. Malilu aurait voulu que Linia lui explique qu'elle ne pouvait pas participer à l'atelier. 

-"Moi je ne dis rien, dit Linia en haussant les épaules. Les gens peuvent venir au stage si ils veulent, il y a aussi parfois des garçons..."

Elle me dit qu'elle travaille même si elle a ses règles...Haussement d'épaule et sourire :

-"Parfois, il y a des pots qui cassent, alors je pense que peut-être c'est à cause de ça...peut-être, on ne sait pas ...mais je ne pense pas vraiment..."

Linia se souvient, quand elle était enfant les gens de sa famille gardaient les aliments, cuisinaient et mangeaient dans des pots en terre et ne voulaient pas utiliser autre chose. Maintenant c'est différent. Il y a une abondance de vaisselle et on a perdu l'habitude de faire attention, alors la poterie est trop fragile.

Une fois, Linia a fait des coupes à cachiri pour l'anniversaire de Tasikale. Mais elle ne recommencera pas. Les gens sont partis avec et disaient qu'elles leur apartenaient !

Les deux pièces ont un peu séché. Le travail d'estèque peut commencer. Avec l'estèque, Linia affine le pot en enlevant de la matière.
Les deux pièces ont un peu séché. Le travail d'estèque peut commencer. Avec l'estèque, Linia affine le pot en enlevant de la matière.
Les deux pièces ont un peu séché. Le travail d'estèque peut commencer. Avec l'estèque, Linia affine le pot en enlevant de la matière.
Les deux pièces ont un peu séché. Le travail d'estèque peut commencer. Avec l'estèque, Linia affine le pot en enlevant de la matière.
Les deux pièces ont un peu séché. Le travail d'estèque peut commencer. Avec l'estèque, Linia affine le pot en enlevant de la matière.
Les deux pièces ont un peu séché. Le travail d'estèque peut commencer. Avec l'estèque, Linia affine le pot en enlevant de la matière.

Les deux pièces ont un peu séché. Le travail d'estèque peut commencer. Avec l'estèque, Linia affine le pot en enlevant de la matière.

À côté des estèques, des morceaux de champignon nommé "piupiu" qui servent d'éponge de lissage.

À côté des estèques, des morceaux de champignon nommé "piupiu" qui servent d'éponge de lissage.

Travail à l'estèque sur le tumeli.
Travail à l'estèque sur le tumeli.

Travail à l'estèque sur le tumeli.

Les pièces seront surveillée et reprise un peu chaque jour. La gestion du sèchage se fait très simplement en couvrant éventuellement les pots avec une serviette éponge.

La terre utilisée est très généreuse il y a néanmoins parfois des fentes de sèchage que Linia peut ou non réparer selon les cas.

_"Qu'est ce qu'on fait ?" demande-t-elle en regardant la pièce fendue, "On le tue ?...Allez on le tue !" et elle casse la pièce dont les morceaux rejoignent le bac d'argile où ils seront réhumidifiés pour faire de nouveaux pots.

Quand c'est possible, elle colmate, petit à petit, avec de la terre simplement. Je ne cherche pas à lui imposer nos techniques mais elle me demande comment je fais.

Je lui explique comment nous retournons les pots pour réguler l'évaporation et aussi les astuces que je connais pour réparer les fentes.

Préparation de la terre : la terre en poudre est mélangée à l'eau.
Préparation de la terre : la terre en poudre est mélangée à l'eau.

Préparation de la terre : la terre en poudre est mélangée à l'eau.

Mercredi et jeudi Linia fait encore quelques pièces sans être sûre qu'elles seront assez sèches pour la cuisson.

Sur le plan : deux plats dont un plat -tortue

Sur le plan : deux plats dont un plat -tortue

Linia réalise toutes sortes plats : le plat rond "ëlimak", que le dictionnaire traduit par assiette, est la forme traditionnelle. La nourriture, poisson ou viande, y est posée dans une sauce bien piquante. Chacun se sert avec les doigts avant de porter à sa bouche et trempe son morceau de casave dans la sauce. Si vous voulez que ce soit moins piquant prenez un morceau directement dans la marmite.

Linia  a crée une gamme ouverte de coupes de toutes tailles, plus ou moins creuses. Petit le plat devient bol. Elle fait des coupes ovales, des coupes avec des anses ou des oreilles, des coupes zoomorphes qui s'inspirent des animaux du ciel de case, tortue "kuliputpë", oiseau "tolopüt", poisson "paku"... 

Linia réalise sur commande des grandes jarres à cachiri "oha" (diamètre 80 cm, hauteur 70 à 80 cm) et elle aimerait bien faire une platine à couac en terre "ëlinat"

Elle fait aussi des tasses, des gobelets et des assiettes surtout sur commande ou pour des marchés, ces produits n'étant pas demandés par gadepam qui est son principal débouché et qui se veut  le garant d'une tradition.

Linia espère s'installer près de son abatis en haut du village pour pouvoir être plus tranquille pour travailler la poterie. Là où elle habite, elle manque de place, il y a trop d'enfants qui passent et qui risquent de tout casser et elle ne peut pas laisser de pièces à l'extérieur.

À droite une forme "tuna enï", introduite par Linia. À gauche "mukusi" sans couvercle.

À droite une forme "tuna enï", introduite par Linia. À gauche "mukusi" sans couvercle.

-TUNA n. fleuve, eau

Tuna enï sert à contenir de l'eau.

-MUKUSI n. poterie

Pour Linia mukusi désigne des formes précises. Celle que nous voyons là  peut avoir un couvercle. Linia me dit que ces objets servaient traditionnellement à garder l'eau.

Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.
Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.

Le vendredi Malilu monte un petit "kanapalulu", c'est un pot qui sert à conserver le jus de canne.

Un vrai kanapalulu doit avoir environ 70 cm de haut. Linia voudrait faire ce type de pièces mais elle ne connait pas bien cette forme c'est pourquoi elle a demandé à Malilu de nous montrer.

 

Le kanapalulu est posé derrière. Malilu attaque une autre forme de "mukusi"
Le kanapalulu est posé derrière. Malilu attaque une autre forme de "mukusi"
Le kanapalulu est posé derrière. Malilu attaque une autre forme de "mukusi"
Le kanapalulu est posé derrière. Malilu attaque une autre forme de "mukusi"

Le kanapalulu est posé derrière. Malilu attaque une autre forme de "mukusi"

Le vendredi en milieu de matinée et jusqu'au déclin du jour tout le monde travaille derrière la maison sous le manguier. Tasi continue la fabrication d'un katouri. Quant à moi, à la demande des potières, je fais une ou deux pièces d'inspiration wayana. Sur l'une je fais un couvercle avec une poignée qui évoque une tête de poussin pour Linia qui essaye depuis le matin de sauver deux poussins qui ont bu du jus de manioc. L'un survivra. Il parait que cela ne fait rien aux poules...Cela m'a vraiment fait plaisir de faire ces pots...J'aurai bien continué.
Le vendredi en milieu de matinée et jusqu'au déclin du jour tout le monde travaille derrière la maison sous le manguier. Tasi continue la fabrication d'un katouri. Quant à moi, à la demande des potières, je fais une ou deux pièces d'inspiration wayana. Sur l'une je fais un couvercle avec une poignée qui évoque une tête de poussin pour Linia qui essaye depuis le matin de sauver deux poussins qui ont bu du jus de manioc. L'un survivra. Il parait que cela ne fait rien aux poules...Cela m'a vraiment fait plaisir de faire ces pots...J'aurai bien continué.

Le vendredi en milieu de matinée et jusqu'au déclin du jour tout le monde travaille derrière la maison sous le manguier. Tasi continue la fabrication d'un katouri. Quant à moi, à la demande des potières, je fais une ou deux pièces d'inspiration wayana. Sur l'une je fais un couvercle avec une poignée qui évoque une tête de poussin pour Linia qui essaye depuis le matin de sauver deux poussins qui ont bu du jus de manioc. L'un survivra. Il parait que cela ne fait rien aux poules...Cela m'a vraiment fait plaisir de faire ces pots...J'aurai bien continué.

Melem, piupiu et pelo les outils de la potière.

Melem, piupiu et pelo les outils de la potière.

MELEM adj. rond : Melem okomë upo katïp C’est rond comme le nid de guêpe. (kaptëlo)

-"Les galets on les a trouvés sur une rive où les orpailleurs ont déversé plein de cailloux. Souvent les galets se cassent parce qu'ils sont passés dans les machines c'est pourquoi il faut en prendre beaucoup"

Linia finit ses pièces, réhumidifie avec le champignon "piupiu" et polit avec un galet "melem"
Linia finit ses pièces, réhumidifie avec le champignon "piupiu" et polit avec un galet "melem"
Linia finit ses pièces, réhumidifie avec le champignon "piupiu" et polit avec un galet "melem"

Linia finit ses pièces, réhumidifie avec le champignon "piupiu" et polit avec un galet "melem"

Sur la deuxième photos Linia polit un "Kalipo"

KALIPO n. poterie à boisson et à cuisson, ornementée ; Kalipo wakulika J’ai cassé la poterie ; Kalipotpë Vieille poterie (litt. poterie cassée).

Celle de Linia n'est pas ornementée.

Parfois Linia décore ses pièces en appliquant des terres colorées après la cuissons mais je n'en ai jamais vues. Nous n'avons pas parlé de décors incisés. Elle a du en faire aussi car on en voit dans le film de Marie Fleury.

 Je lui demande pourquoi elle ne cuit pas ses décors. J'ai testé sur des tessons de pièces de Malilu décorées après cuisson également et j'ai pu constater que le décor s'en va si on lave la pièce ce qui peut se concevoir pour une urne funéraire mais pas sur de la vaisselle.

Linia trouve que les couleurs sont plus vives et brillantes si elle ne les cuit pas et pense sans en être très sûre que ses décors tiennent mieux que ceux de sa mère. 

Mais sa tante, que je verrai finallement le lendemain samedi, fait elle, des pièces décorées aux engobes qu'elle cuit.

Je pense que les pièces de Linia se passent bien de décor. Leurs formes sobres, exigeantes et tendues, leur belle matière en font des pièces d'exeption et elle a un public pour son travail. 

Il y a sans doute un public aussi pour des pièces décorées. Mais il serait bien dommage qu'un décor un peu maladroit comme ceux que j'ai vu vienne interférer avec cette pureté. Si décor il y avait, gravé ou aux engobes, il faudrait qu'il soit aussi exigeant et réussi que les pièces elle même.

Entre les jambes de Linia une  autre pièce "tuna enï" qui ne fait pas partie des formes transmises et qu'elle a ajouté à son répertoire.

Entre les jambes de Linia une autre pièce "tuna enï" qui ne fait pas partie des formes transmises et qu'elle a ajouté à son répertoire.

J’intercale une photo prise pendant les cuissons : devant à gauche, deux kalipos posés l'un sur l'autre : voilà "makuwa" à la fonction indéterminée.

J’intercale une photo prise pendant les cuissons : devant à gauche, deux kalipos posés l'un sur l'autre : voilà "makuwa" à la fonction indéterminée.

La petite fille, c'est la fille de la nièce de Linia. Parfois Linia l'appelle Alimina du nom de sa grand-mère, ce n'est pas son nom. Peut être Linia espère-t-elle qu'elle apprendra à son tour la poterie...Linia est aujourd'hui la plus jeune potière Wayana.
La petite fille, c'est la fille de la nièce de Linia. Parfois Linia l'appelle Alimina du nom de sa grand-mère, ce n'est pas son nom. Peut être Linia espère-t-elle qu'elle apprendra à son tour la poterie...Linia est aujourd'hui la plus jeune potière Wayana.

La petite fille, c'est la fille de la nièce de Linia. Parfois Linia l'appelle Alimina du nom de sa grand-mère, ce n'est pas son nom. Peut être Linia espère-t-elle qu'elle apprendra à son tour la poterie...Linia est aujourd'hui la plus jeune potière Wayana.

Aiseya, la tante de Linia. Croisée plus que rencontrée au marché de Maripassoula.

Aiseya, la tante de Linia. Croisée plus que rencontrée au marché de Maripassoula.

Les petites marmites décorées de Aiseya. (engobes posées avant cuisson).

Les petites marmites décorées de Aiseya. (engobes posées avant cuisson).

Sur le pourtour des couvercles on reconnait : walamali watkï (la queue du boa constrictor) qui orne le tour des ciel de case. On voit aussi un motif double, les traits sans courbes rejoignent les motifs des vanneries ou des colliers. Ces motifs doubles, chenilles* de différents types, fauves à deux têtes, traditionellement représentées aussi sur les ciel de case.

Les motifs sont nombreux et Linia a commencé à m'en dresser la liste mais nous ne sommes pas allées bien loin faute de temps.

*ËLUKË n. chenille (génér) : Tïwë tïwëlën kom ëlukëhpe man Il y a différents types de chenilles ; Mëha ëlukë tom ëtën kom. Ces chenilles sont carnivores.

Le travail des potières wayanas se fait au colombin. A part les potières de Mana qui sont allées en France et ont visité divers ateliers, les gens ici, même les blancs, pensent que c'est une technique inconnue ailleurs et sont persuadés que les autres céramistes dans le monde se servent tous du tour pour travailler.

Linia est très curieuse des pratiques et des réalisations des autres et me questionne sur ma pratique et sur celle des céramistes que je connais. Je regrette de ne pas avoir prévu une collection d'images de pièces et de techniques de toutes sortes. Je ne veux pas aller sur internet, en trois jours j'ai déjà dépassé mon forfait de 40€. Heureusement j'ai quand même quelques images dans mon ordinateur en particulier les photos du Japon que je lui montre le soir. 

Coincidence, les jeunes ici adoptent des tenues vestimentaires d'un style très différents de celles portée à Cayenne et qui ressemblent beaucoup à celles que portent les jeunes japonais.

Je montre les immenses sculptures montées au colombin de Kasumi et de  Yoshida, elle adore celle avec l'oiseau sur la tête. Je montre les différents fours à bois, à gaz, électriques. De toutes les pièces que je lui ai montrées c'est incontestablement la femme-dinde d'Alex qui la ravit et l'amuse le plus. L'estampage des tanukis dans les immenses moules en plâtre la surprend beaucoup.

Ce qui n'est pas figuratif semble moins lui plaire, par contre les pièces en porcelaine  l'intriguent et notamment les cruches montées à la plaque de Camille Spielberg dont il se trouve que j'ai une photo.

J'arrive au bout de mon stock d'images avant qu'elle n'en soit lassée et le lendemain elle me demande de tout montrer à Malilu aussi, surtout la femme-dinde d'Alex. 

Linia n'est jamais allée plus loin qu'à Cayenne. Il y a un évenement prochainement au Brésil qui doit réunir des potières (potiers ?) et Linia espère s'y rendre. Tasikale a déjà voyagé en Europe, Linia non...un jour peut être...ira-t-elle en métropole...Une petite résidence croisée avec une école de céramique comme les potières de Mana avec l'école des beaux arts de Paris ?

Non pas pour l'influencer, mais comme pour ces potières pour lui faire percevoir la qualité et la spécificité de son travail dans un vaste univers de possible. On a le droit de rêver...

Mais elle voudrait aussi simplement connaitre les potières de Mana et je me dis que je pourrai sans doute y aller avec elle si elle vient à Cayenne. Il suffirait que nous y allions en voiture et qu'ensuite elle reprenne l'avion à saint Laurent au lieu de Cayenne.

Nous avons projeté d'aller rendre visite aux potières de Trois-Sauts, tout en haut de l'Oyapok, que nous remonterions avec Tasikale et Linia en août prochain quand les fleuves seront encore hauts et la saison des pluies sur sa fin. Cela fait longtemps que Linia voudrait le faire pour voir comment elles travaillent et ce qu'elles produisent et Tasikale a aussi envie d'aller là bas car il y a de la famille....

 

 

 

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