Une semaine à Taluen. Chapitre 9 : mardi, 8 décembre, l'abatis de Malilu
Mardi matin nous partons pour l'abatis de Malilu.
Nous contournons le village. De l'autre côté nous changeons de pirogue et la sœur aînée de Linia, Yolanda,nous rejoint.
Passage chez le chinois, nous achetons du carburant et quelques bricoles dont des boites de sardines et des oignons pour faire un couac-sardine, incontournable du pic nic en forêt en Guyane, particulièrement indigeste !
Nous arrivons après environ une heure de pirogue. Nous avons repassé le saut en aval (voir le chapitre 2 : la remontée du Maroni). Cette fois nous sommes restés dans la pirogue. Mais nous portons des gilets de sauvetage. Tasikale est équipé, il fait le taxi et le guide pour des blancs qui veulent découvrir la forêt surtout les légendaires Monts Tumuc Humac. Nous en sortons bien mouillés, heureusement l’appareil photo est resté dans le sac étanche.
Nous continuons dans la forêt, il ne faut pas perdre de vue celui qui est devant. Le layon est étroit et il y a des bifurcations possibles.
Trace de présence humaine...Moins photogénique, il y aura aussi quelques bouteilles en plastiques vides, pas trop...Nous en rapporterons quelques une en plus de nos chargements.
Chacun vaque à ses ocupations. Hubert travaille avec Linia à couper les tiges et à sortir les racines de manioc du sol. Les autres Malilu, Yolanda, Noye, Tasikale diparaissent dans l'abatis. Je pars de plus en plus loin cueilir le coton. Hubert a gardé l'appareil photo et la gourde.
Deux ananas nous serviront d'en cas...celui-ci, découpé à la machette par Malilu, est bien le meilleurs ananas que j'ai jamais mangé !
Atteindre les plans et les boules de coton est acrobatique, il vaut mieux ne pas avoir peur d'avoir les mollets griffés.
Je m'enfonce dans l'abatis hors de vue des autres.
A un moment on m'appelle :
-"Tout le monde retourne à la pirogue avec un premier chargement. Tu restes ?"
-"Seule ? "
Je n'ai pas de chargement à porter et il reste beaucoup de coton à cueillir...
- "D'accord, je reste seule..."
Quelques plaisanteries sur le jaguar qui va venir me manger...
Le temps m'a quand même paru long. Je me disais que peut-être je le verrai le jaguar ...J'aurai bien aimé...Alors, faire du bruit pour faire peur aux animaux ou être silencieuse ?
Le soleil cognait vraiment, et je n'avais pas d'eau. Heureusement un petit nuage passait de temps en temps.
Bizarement j'avais peur d'avoir un coup de chaleur ou de me faire mal en escaladant les arbres couchés pour progresser et atteindre le coton, d'être piquée par des poux d'agoutis, ou de poser la main sur un serpent, mais pas du jaguar !
Par contre maintenant quand j'y pense...
Hubert est venu me chercher, il reste une goutte d'eau dans la gourde. Nous n'en avons pas prévu assez...
Nous nous préparons pour le deuxième et dernier trajet vers la pirogue.
Malilu me donne un deuxième ananas, je suis maladroite avec ma machette ! Heureusement Tasikale, qui lui n'a plus eu d'eau, arrive pour m'aidre à le découper. Il est un peu trop mur mais quand on a faim et soif...
Les branches à repiquer sont confiées au katouri de palmes fraîchement coupées qui garde la fraîcheur et l'humidité.
Départ de Malilu. Le katouri est porté avec une lanière qui passe sur le front. Il n'a pas de bretelles comme les katouris provisoires.
Dans le sac noir il y a le coton que j'ai cueilli. J'ai récolté presque tout ce qu'il y avait.
-"Il faut deux gros sacs pleins" -on me montre la taille d'un gros sac poubelle- "pour faire un hamac."
C'est au moins vingt fois plus que ma récolte. Les femmes que j'ai rencontrées ont tissé les hamacs pour leur famille. Ils sont vraiment très agréables, doux, aérés, confortable. Elles se souviennent de leurs mères ou de leur grand-mères :
-"Elle travaillait tout le temps, elle tissait les hamacs en même temps elle avait un petit à chaque sein. Il fallait beaucoup de hamacs, un pour chaque enfant."
Certaines femmes en font pour la vente, ils sont chers et quand on mesure le travail que cela supose ce n'est pas grand chose de l'heure.
Je suis à l'arrière avec l'apareil photo autour du cou. Mon paquetage n'est pas très lourd mais je l'ai mal fait et il se défait plusieurs fois. Je dois m'arrêter pour le refaire. Il y a toujours quelqu'un qui m'attend, en se reposant un peu pour que je ne me perde pas.
La pirogue est chargée. Nous buvons les dernières gouttes de liquide restées dans la glacière. Pas grand chose. j'ai vraiment soif.
Il est tard, Sans doute plus de 14h à voir les ombre qui s'allongent.
-"Nous irons manger chez Malilu, nous annonce-t-on, mais avant nous allons pêcher."
Rendez vous pour la suite de cette journée dans le prochain chapitre.